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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 14:49

Sanctionner un salarié ayant commis des actes constitutifs d'un harcèlement moral, c'est bien ; encore faut-il que cela ne se fasse pas trop tardivement.
Un arrêt du 29 juin rendu par la chambre sociale l'illustre parfaitement.

 

En l'espèce, un employeur avait pris l'initiative de licencier un de ses salariés en invoquant à son encontre une faute grave.
La justification était toute trouvée puisque la juridiction prud'hommale venait de reconnaître l'existence d'un harcèlement moral et sexuel effectué par ce dernier sur l'une de ses collègues ; faits d'une "gravité telle qu'ils interdisent toute poursuite de la relation contractuelle de travail."

 

L'intéressé décida alors de contester la légitimité de cette décision en mettant en avant la passivité de l'employeur lorsque la salariée victime l'avait informé (avant de saisir la justice) des agissements litigieux alors que la législation l'oblige à prendre toutes les dispositions nécessaires, le fait que la prescription des faits était acquise et le caractère tardif de la tenue de l'entretien préalable au licenciement.

 

De son côté, l'employeur faisait remarquer avoir délibérément attendu l'issue de l'instance prud'hommale afin notamment de pouvoir s'assurer de la réalité des fautes commises et mettre en route la procédure disciplinaire.
Il précisa à ce sujet que "la seule circonstance qu'un salarié ait accusé un autre salarié de harcèlement à son encontre ne suffit pas à déclencher le délai de deux mois, une dénonciation non vérifiée et contestée par le prétendu auteur des faits ne pouvant à elle seule faire courir le délai."

L'article L 1332-4 du code du travail prévoit en effet que les poursuites disciplinaires ne peuvent plus être engagées après deux mois à compter de la connaissance des faits ; ce qui, à en croire certaines décisions, suppose "une connaissance exacte et complète des faits reprochés."

 

Oui mais... si les premiers juges saisis se contentèrent de valider la décision prise, il n'en fut pas de même devant la cour d'appel qui considéra que le licenciement n'avait pas de cause réelle et sérieuse ; une position confirmée par les membres de la chambre sociale de la Cour de cassation.

 

Les choses semblent simples :

Dès la comparution devant le bureau de conciliation des prud'hommes, l'employeur avait une connaissance éventuelle de faits de harcèlement.
Il s'est alors borné à dénier la réalité de ceux-ci sans même effectuer la moindre enquête ou investigation qui lui aurait permis d'avoir, sans attendre l'issue de la procédure prud'hommale l'opposant à la victime, la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l‘ampleur des faits reprochés et de prendre les mesures appropriées.

 

Du coup, les juges retiennent d'une part l'abstention fautive de l'employeur et d'autre part l'absence de nouveaux faits fautifs susceptibles de justifier le licenciement pour conclure que la procédure disciplinaire a été engagée trop tardivement et que la rupture de la relation de travail fondée sur une faute grave n'est pas légitime.

 

Il ressort de tout cela que, dans le cas d'espèce, le délai de prescription a commencé à courir au moment où la salariée avait tenté d'informer l'employeur des agissements reprochés.
Pour les juges, c'est à cet instant que naît la connaissance des faits au sens de l'article L 1332-4 du code du travail ; or, de l'aveu même des magistrats, la connaissance n'était alors qu'éventuelle.

 

Est ce que cela revient à dire que, dès lors qu'un comportement fautif est porté à sa connaissance, un employeur doit agir dans les deux mois pour sanctionner l'auteur désigné sans même être certain de l'exactitude et de l'entièreté des agissements ?
Pas si sûr car dans le cas d'espèce, les juges prennent également en compte l'absence de réaction, le défaut de recherche sur la véracité des faits alors que l'article L 1152-4 du code du travail oblige l'employeur à effectuer toutes les mesures nécessaires afin de prévenir des actes de harcèlement moral (l'article L 1153-5 dispose de même concernant le harcèlement sexuel.)

 


 

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commentaires

U
Tout le problème est d'apporter la preuve irréfutable des faits de harcèlement moral, sans cela, point de salut!
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