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10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 15:12

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, "aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."

 

Si, de la lecture de ce texte, il se déduit aisément que seul un salarié peut être une potentielle victime des actes litigieux, l'absence de toute précision quant à l'auteur des faits incite à penser que la liste des personnes susceptibles d'être visées est longue et peut notamment inclure un tiers à l'entreprise ; c'est en tout cas ce qu'il ressort de l'arrêt rendu par le 1e mars 2011 par la chambre sociale de la Cour de cassation.

 

 

En l'espèce, une responsable d'un établissement de restauration rapide contestait son licenciement pour insuffisance professionnelle et estimait avoir été victime de harcèlement moral.

 

Les juges du fond la déboutèrent de ces demandes en retenant d'une part que "le harcèlement moral ne peut résulter de contraintes de gestion ni du pouvoir d'organisation et de direction de l'employeur" et d'autre part que "l'auteur désigné du harcèlement n'était pas employé par la société mais représentait le propriétaire de la marque "Les Cuisiniers Vignerons" ayant passé un contrat de licence avec l'employeur et qu'il n'avait aucun lien hiérarchique ni n'exerçait aucun pouvoir disciplinaire sur la salariée" ; une analyse totalement censurée par la haute juridiction.

 

La chambre sociale, confirmant en cela sa jurisprudence, rappelle au contraire que "peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique" dès lors qu'elles se manifestent par des agissements répondant aux critères légaux précédemment cités.

 

De plus, comme il était permis de le croire, elle affirme aussi que le harceleur peut très bien être un tiers à l'entreprise (ici, un représentant d'une société ayant passé un contrat de licence avec l'employeur) tout en précisant que cela suppose tout de même que ce dernier exerce une autorité de fait ou de droit sur les salariés ; en l'occurrence, celle-ci découlait du fait qu'il avait la charge de mettre en place de nouveaux outils de gestion et devait former l'équipe du restaurant.

 

Rien de surprenant à cela ; juste une confirmation.

En effet, vu la rédaction de l'article L.1152-1 du code du travail, il ne semble y avoir guère de limite concernant la désignation de l'auteur du harcèlement.

 

Il est d'ailleurs intéressant de noter que, alors que le texte ne donne aucune précision, la cour d'appel a, pour rejeter la demande, retenu l'absence de lien hiérarchique et de pouvoir disciplinaire quand la Cour de cassation préfère prendre en compte la notion plus large de l'autorité de droit ou de fait.

 

 

Il y a toutefois quelque chose dans la solution de la chambre sociale qui me perturbe ou qui mérite au moins d'être souligné :

 

qu'elle rappelle que "l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité" n'est en rien étonnant puisqu'il ne s'agit là que de l'affirmation de la position de la haute juridiction en la matière ;

 

la suite de son propos est en revanche pour moi source d'interrogations :

 

"il doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés."

 

Voilà donc qu'est fait référence au critère de l'autorité de droit ou de fait dont dispose certaines personnes sur les salariés alors que le texte ne l'a jamais exigé ;

bien au contraire, si les parlementaires ne concevaient à l'origine le harcèlement que dans un rapport d'autorité, cette idée a fini par s'effacer au cours de la discussion du texte au profit d'un très large choix d'un potentiel harceleur dans lequel peut se trouver en théorie toute personne du supérieur hiérarchique au subordonné en passant par le simple collègue sans oublier des tiers à l'entreprise même si des débats demeurent concernant certains d'entre eux comme par exemple le client.

 

Alors pourquoi la Cour de cassation fait-elle appel ici à la notion d'autorité ?
Et la question se pose d'autant plus que la référence ne concerne pas seulement le tiers à l'entreprise mais "les personnes" en général.

 

 

Simplement une mauvaise lecture d'un individu qui se prend pour juriste en herbe ou décision qui entraîne de raisonnables interrogations ?


 

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