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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 14:21

Il y a tellement de choses à dire sur la question du harcèlement moral qu'il est sans doute utile de préciser immédiatement que cet article ne traitera que de la question de l'appréciation des éléments de preuve par le juge et même plus particulièrement de l'intérêt de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 janvier 2011.

 

 

Mais avant de se pencher sur cette décision, il ne semble pas superflu de développer rapidement quelques points :

 

- l'article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu' "aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel" ; une définition assez proche de celle du délit prévu à l'article 222-33-2 du code pénal.

 

- en matière de droit du travail, il est surtout question de protéger le salarié qui ne peut être sanctionné - et encore moins licencié - du fait d'avoir subi, refusé de subir ces agissements ou bien encore pour avoir témoigner à ce sujet ; une rupture de contrat motivé par cela encourt tout simplement la nullité ;

 

- quant à l'auteur des faits, outre de possibles poursuites pénales, il est seulement passible d'une sanction disciplinaire.

 

 

 

En cas d'action en justice, la règle fixée par l'article L. 1154-1 du code est simple :

 

- tout d'abord, c'est au salarié qu'il revient la charge d'établir des faits qui permettent de présumer un harcèlement moral

 

- ensuite, il incombe à la partie défenderesse d'apporter la preuve que "ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement"

 

- vient alors le moment pour le juge de former sa conviction sur le litige.

 

 

Dans l'affaire qui nous occupe, la salariée avait produit un certain nombre d'éléments de preuve visant à établir "la matérialité de faits précis et concordants constituant selon [elle] un harcèlement."

 

Après avoir analysé séparément  chacune des pièces apportés au dossier, la cour d'appel de Montpellier décida de ne pas octroyer de dommages-intérêts à la demanderesse ; une attitude que sanctionne les magistrats de la chambre sociale.

 

Validant l'argumentation développée dans le pourvoi de la salariée, la haute juridiction considère qu'il appartenait à la juridiction d'appel de se prononcer sur "l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuves fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral."

 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation vise, pour fonder sa décision, les articles L.1152-1 et L. 1154-1 du code du travail pour mieux les réécrire en indiquant "qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement."

 

Il en ressort donc que les juges doivent apprécier les éléments de preuve visant à établir une présomption de harcèlement dans leur ensemble comme formant un tout et non pas, comme l'avait fait la cour d'appel de Montpellier, analyser individuellement chacune des pièces produites.

 

Et pourtant, aucune de ces dispositions ne prévoit véritablement cela.

 

Il s'agit peut-être là d'une étape supplémentaire dans l'évolution de l'interprétation qui est faite de l'article L.1154-1 du code du travail.

 

En effet, si la lecture de cette disposition pourrait laisser penser que le juge n'intervient que très peu dans ce genre de litige en ayant plutôt une place d'arbitre n'intervenant qu'à la fin du match pour départager les concurrents, tel ne semble pas être l'avis des membres de la chambre sociale qui souhaite lui donner un rôle plus important et le rendre plus actif.

 

C'est ainsi que l'on remarque notamment, en analysant la construction du discours de la Cour de cassation, que le schéma matérialisant la procédure en cas de litige relatif au harcèlement semble se modifier :

 

le salarié apporte des éléments des preuves laissant présumer le harcèlement ;

le juge intervient une première fois pour les apprécier et vérifier s'ils permettent effectivement d'établir une présomption ;

et ce n'est qu'en cas de réponse positive que le défendeur sera obligé de démontrer la preuve contraire ;

le juge devra alors se former sa conviction.

 

 

Et voici donc, avec cette décision du 25 janvier 2011, que la Cour de cassation ajoute un critère pour guider le travail devant être effectué : l'appréciation des preuves doit se faire dans sa globalité.

 

Ce n'est pas tel ou tel élément qui doit laisser penser qu'il existe des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte de porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

 

C'est au contraire de l'étude de l'ensemble des preuves pris comme un tout que doit apparaître une présomption de harcèlement moral.

 

Il devrait d'ailleurs, vu la rédaction de l'article L.1154-1 en être de même concernant les litiges relatifs au harcèlement sexuel.

 


 

à lire aussi sur ce blog :

 

la justice s'intéresse encore un peu plus aux suicides à France Télécom...

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commentaires

T
<br /> <br /> Une marque de pragmatisme sans aucun doute ...<br /> <br /> <br /> Le harcèlement moral est un délit qui fait bien des ravages dans une économie en crise er toujours prêt à faire craquer plus pour gagner plus.<br /> <br /> <br /> Cette vision bien large du juge ne fait que reprendre en réalité une jurisprudence ocnstante, pour décharger le salarié du poids très lourd de la preuve : on doit prouver que la personne a commis<br /> ces actes dans le but d'obtenir un résultat précis qui devra être prouvé.<br /> <br /> <br /> A noter également que les juges considèrent qu'une organisation du travail peut être un agissement de harcèlement moral (et ce bien avant France Telecom etautres ...<br /> <br /> <br /> <br />
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