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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 11:36

Vous ne le savez peut-être pas encore mais lorsque vous vous rendez au guichet de votre gare préférée afin d'y obtenir un titre de transport, vous êtes entrain de conclure un contrat avec la SNCF.

 

Le client voyageur doit surtout, après avoir payé le tarif en vigueur, respecter les différentes règles en application en commençant par le compostage de son billet avant l'accès au train.

 

De son côté, la Société nationale des chemins de fer a aussi des obligations à exécuter parmi lesquelles, selon certains, le fait que le moyen de transport parte et arrive aux heures affichées sur le panneau situé le plus souvent dans le hall d'accueil.

Plus sérieusement - et surtout parce que c'est le sujet qui va nous occuper - elle est tenue envers les voyageurs d'une obligation de sécurité de résultat dont elle ne peut s'exonérer en invoquant la faute d'imprudence de la victime que si, qu'elle qu'en soit la gravité, elle présente les caractères de la force majeure.

 

Autrement dit, elle ne doit pas seulement tout faire pour conduire les passagers à destination dans les meilleures conditions. Elle doit le faire et c'est tout ; dès lors que le résultat n'est pas atteint, sa responsabilité contractuelle peut être engagée.

Elle n'y échappera sûrement pas en démontrant son absence de faute mais tout juste pourra-t-elle tenter de démontrer celle commise de manière imprudente par la personne qui subi un préjudice à condition qu'elle soit, pour la SNCF, extérieure, irrésistible et imprévisible.

 

Imaginons maintenant l'hypothèse selon laquelle un individu se trouve en possession d'un abonnement de transport régulier. Il s'aperçoit après avoir pris place dans une rame qu'il s'est en fait trompé quant à sa destination. N'écoutant que ce qui lui reste d'instinct de survie, il décide alors de tenter de sortir mais trop tard : le signal de départ vient d'être donné...
Qu'à cela ne tienne ! Il n'en reste pas là et tente d'ouvrir les portes alors que le train a déjà démarré... et ce qui devait arriver se produit : l'individu en question se blesse très grièvement et choisit d'attaquer le méchant transporteur ferroviaire afin qu'il indemnise son préjudice.

 

Ne rêvons plus car ceci n'est en rien une fiction et a donné lieu à un long contentieux qui trouve son épilogue avec un arrêt rendu ce 1e décembre par la première chambre civile de la Cour de cassation.

 

 

Désapprouvant la décision rendue par le premier juge, la Cour d'appel de Chambéry a en effet, le 30 mars 2010, retenue l'entière responsabilité contractuelle de la SNCF en considérant "qu'en l'espèce, il importait peu à la solution du litige que monsieur X... se soit trompé de rame car, titulaire d'un abonnement régulier, il avait bien souscrit un contrat de transport avec la SNCF qui était dès lors tenue de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour qu'il ne tombe pas du wagon."


Cela revenant donc à penser que, dès que la rencontre de consentement entre le transporteur ferroviaire et son client a eu lieu, l'action visant à indemniser un quelconque préjudice au cours du voyage ne peut trouver d'autre fondement que la relation contractuelle ; ce même si,suite à une méprise, une des parties ne s'exécute pas correctement.

Et pourtant, quiconque ayant déjà pris le train au moins une fois pourrait légitimement croire que l'engagement pris n'a de valeur que pour un trajet déterminé et, en règle générale, s'il est effectué dans un certain délai à compter de l'achat ; ceci restant valable en cas d'abonnement forfaitaire.


Essayez donc d'expliquer à un contrôleur que si vous êtes assis dans un TGV en première classe alors que vous avez sur vous un billet composté utilisable uniquement sur le réseau TER, c'est juste parce que vous vous êtes trompé, que vous vous en êtes rendu compte trop tard et que vous n'avez pas voulu forcer l'ouverture des portes alors que le train avait déjà démarré.
N'oubliez pas au passage de le rassurer en lui disant de ne pas s'inquiéter puisque cela ne change quasi rien dès lors qu'un contrat de transport a bel et bien été souscrit au guichet de la gare.

 

Le raisonnement de la juridiction de second degré ne séduit pas du tout les membres de la première chambre civile qui le censurent fermement en reprochant aux juges d'appel d'avoir violé les articles 1147 et 1384, alinéa 1e, du code civil d'une part parce qu'il ont retenu à tort la responsabilité contractuelle de la SNCF et d'autre part parce qu'ils ont refusé, contrairement au premier juge, d'appliquer les dispositions relatives à la responsabilité du fait des choses.

 

Pour la haute juridiction, les choses sont claires : oui, il existait bien un échange de consentements mais "l'accident n'était pas survenu dans l'exécution du contrat convenu entre les parties" donc l'action en responsabilité ne pouvait perdurer que si elle était basée sur le terrain délictuel.
En effet, en dehors même de tout contrat, la responsabilité de la SNCF peut toujours être recherchée notamment en raison du fait qu'elle soit responsable de ses propres agissements ainsi que des différentes choses qu'elle a sous sa garde. Certes, les conditions à réunir ne sont du coup plus les mêmes.

 

 

On notera pour conclure que, si la Cour de cassation ne dit pas un mot à ce sujet, la Cour d'appel de Chambéry consacre plusieurs lignes pour s'expliquer sur la confirmation de la position sévère faisant dire à certains que la force majeure n'est qu'une cause virtuelle d'exonération.


Elle rappelle tout d'abord que le seul moyen de faire barrage à l'obligation de sécurité de résultat consiste en la démonstration d'une faute d'imprudence de la victime, quelqu'en soit la gravité, présente les caractères de la force majeure ; rien de nouveau surtout depuis l'arrêt rendu en chambre mixte le 28 novembre 2008.

 

Elle affirme ensuite que le comportement du passager - "vouloir sortir du train à un moment inopportun" - n'était en rien ni imprévisible ni irrésistible "dès lors que les erreurs de destination sont communes et que les moyens techniques et adaptés existent quant à mettre en œuvre les précautions nécessaires pour prévenir les conséquences d'essais de sortie intempestive d'un train tentées par les voyageurs ou ceux qui les accompagnent..."

 

Quant à nous, contentons-nous de remarquer que les juges ne parlent que de la faute d'imprudence de la victime, ce qui suppose sûrement que la solution serait différente en présence d'une faute intentionnelle.

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