La chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt rendu le 7 décembre dernier, que l'employeur ne pouvait pas donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme.
En l'espèce, un individu avait saisi la juridiction prud'homale afin, entre autre chose, de remettre en cause la rupture de son contrat de travail pour insuffisance professionnelle. Il soulevait notamment le fait que que sa lettre de licenciement avait été signée et notifiée par le cabinet comptable de son employeur qui, selon lui, était incompétent pour réaliser cela.
Les juges de la haute juridiction trouvent là une occasion de confirmer qu'un employeur ne peut pas donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de
licenciement jusqu'à son terme.
Bien que seul l'article L. 1232-6 du code du travail soit expressément visé, ils justifient leur décision en invoquant "la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la
notification du licenciement."
En effet, à la lecture des articles L. 1232-2 et suivants du code du travail, on constatera rapidement que l'entretien préalable ne constitue pas une simple formalité mais a un rôle beaucoup plus important : permettre une décision réfléchie pour choisir de licencier ou non une personne après un échange avec celle-ci.
On fera de plus remarquer que, dans chacune de ces dispositions, seuls l'employeur et le salarié sont évoqués à titre principal.
De la même façon, la législation appliquée de manière stricte conduit à considérer que la notification de la rupture de la relation de travail ne peut être que le fait de l'employeur.
La vision de la chambre sociale n'a rien de révolutionnaire ; juste une simple confirmation d'une position déjà exprimée notamment dans un précédent arrêt en date du 26 mars 2002. Il s’agissait en l’espèce d’un salarié, employé en qualité de VRP par une société ayant son siège en Espagne, qui exerçait son activité en France, en Belgique et au Luxembourg. L’employeur avait donné mandat à une société française de procéder, en ses lieu et place, au licenciement du salarié.
On notera tout de même une différence de taille quant au contenu des dispositions ayant vocation à s'appliquer à chacun de ces litiges.
En 2002, s'il était déjà acté que seul l'employeur devait notifier le licenciement à son salarié, l'ancien article L. 122-14 du code du travail - alors en vigueur - était assez flou en visant, concernant la possibilité de convoquer à un entretien préalable, "l'employeur ou son représentant" et seulement le premier des deux lorsqu'il était question du déroulement concret de cet entretien.
La Cour de cassation avait alors fini par interpréter un peu plus largement ce texte comme l'illustre une décision du 19 janvier
2005 dans laquelle il a été jugé que "le directeur du personnel, engagé par la société mère pour exercer ses fonctions au sein de la société et de ses filiales en France, n'est pas une
personne étrangère à ces filiales et peut recevoir mandat pour procéder à l'entretien préalable et au licenciement d'un salarié employé par ces filiales, sans qu'il soit nécessaire que la
délégation de pouvoir soit donnée par écrit."
Ce qui laisser penser que l'employeur n'avait pas l'obligation de conduire lui-même la procédure de licenciement dès lors que cette tâche n'était pas confiée à une personne étrangère à
l'entreprise.
Mais depuis, le code du travail a fait peau neuve. Pas une simple renumérotation mais plutôt un exercice de redécoupage et de réécriture applicable depuis le 1e mai 2008.
Pour ce qui nous concerne, les anciens articles L. 122-14 et L. 122-14-1 du code du travail ont laissé place à tout un ensemble de dispositions s'étalant des articles L. 1232-2 à L. 1232-6.
Et là, plus aucune référence à une possible représentation au profit de l'employeur.
Dès lors, pourquoi les magistrats de la juridiction suprême ressortent-ils une formulation similaire à celle employée en 2002 sans tenir compte des modifications intervenues dans l'intervalle
?
Pourquoi continuent-ils à limiter l'interdiction de confier un mandat pour conduire la procédure jusqu'à son terme aux seules personnes étrangères à l'entreprise en laissant penser qu'une porte
reste ouverte pour le personnel de l'entreprise ?
Pourquoi ne disent-ils pas clairement que seul l'employeur peut mener l'ensemble de ces opérations ?
[...]
En attendant les réponses à toutes ces questions, arrêtons-nous maintenant sur un autre point intéressant mis en lumière par cet arrêt : les conséquences du fait que la procédure de licenciement ait été menée par un étranger à l'entreprise.
Si, comme en 2002, le demandeur à l'origine de la décision du 7 décembre 2011 réclamait le prononcé de la nullité du licenciement, la réponse des membres de la chambre sociale ne fut pas la même
dans les deux cas.
Dans un premier temps, ils se contentèrent de dire que la procédure était irrégulière tant en ce qui concerne l'entretien préalable que la notification du licenciement.
Désormais, ils affirment nettement que le licenciement est alors "dépourvu de cause réelle et sérieuse" ; autrement dit, qu'il n'est pas justifié.