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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:47

Cela faisait longtemps que je n'avais pas regarder l'une des grandes messes du 20 h.

 

Lundi, sans doute pour bien démarrer ma semaine, je me suis laissé aller à rester quelques minutes devant le journal télévisé de france 2...

 

Dès l'annonce des titres, une violente envie de zapper m'envahit mais trouver la télécommande ou se déplacer jusqu'au bouton souhaité n'est pas toujours chose aisée.

 

Et quels sont les premiers mots qui sont sortis de la bouche du présentateur ?

Quelle est l'info mise en avant, celle qui méritait toute notre attention, celle qui, hiérarchie de l'information oblige, était plus importante que toutes les autres ?

 

Véronique Courjault, il faut que la France le sache : elle est sortie de prison
Il faut le dire, c'est une nouvelle importante ; la population doit en être informée...

 

Passons sur le fait que le terme "infanticide" employé à plusieurs reprises dans le développement de l'information ne renvoie à rien de précis en matière pénale.

 

Passons aussi sur le fait que le journaliste parle de récidive alors même qu'il n'y a pas eu de condamnation définitive entre les différents faits.

 

Pour lancer le sujet, il n'est jamais inutile pour le présentateur de rappeler qu'elle était condamnée à 8 ans d'emprisonnement et qu'elle n'en a fait qu'un peu plus de trois et demi.

 

Place au merveilleux reportage :

 

le journaliste commence par redire ce qui vient d'être annoncé en précisant qu'elle avait obtenu sa libération conditionnelle.
Il ajoute qu'elle est sortie de prison vendredi discrètement pour rejoindre le domicile conjugal...et alors !?
il fallait peut-être qu'elle envoie une convocation aux journalistes et qu'elle sorte triomphante en faisant une grande déclaration en annonçant qu'elle allait bien fêter cela.

 

Après une brève allocution de son mari qui déclare que l'avenir est devant eux, vient la sage parole de l'avocat Maitre Henri Leclerc :

 

"Je voudrais que les médias laissent cette femme et sa famille essayer de se reconstruire ; voila, c'est tout ce que j'ai à dire"

 

Parole entendue comme le prouve la suite du reportage...

En effet, pour tous ceux qui auraient oublié, rien de tel qu'un petit retour en arrière sur l'ensemble de l'affaire sans oublier de montrer les merveilleuses une sur le sujet des différents magazines.

 

Le reportage s'achève mais une dernière surprise attend le téléspectateur...

La rédaction a bien fait son boulot : une journaliste attend en direct devant le ministère de la justice pour parler de l'avenir de Véronique Courjault :

 

Première précision : Véronique Courjault est libre (on commence à le comprendre) mais sous trois conditions :

 

- qu'elle travaille

- qu'elle ait un suivi psychologique

- et "fait plus exceptionnel" (on sent alors un peu de regret dans la voix de la jeune femme" qu'elle n'entre pas en contact avec la presse

 

Autre précision : "on ne sait pas aujourd'hui quel emploi elle va exercer" (et on est bien triste) "mais ce qu'on sait c'est qu'elle est auprès des siens, auprès de sa famille, auprès de son mari qui l'ont toujours soutenue" (que de choses étonnantes)

 

[...]

 

"elle doit aujourd'hui reprendre son quotidien de mère auprès d'eux et on imagine combien ça peut-être difficile après une telle tragédie. Véronique Courjault se dit pourtant heureuse, elle aspire à une vie calme, sereine et surtout discrète"

 

Le moins que l'on puisse dire c'est que es journalistes ont bien compris le message...

 


Et maintenant, que quelqu'un m'explique, que quelqu'un me dise le besoin de balancer cette info (si cela en est vraiment une d'ailleurs), la nécessité de faire l'ouverture du 20 heures en y restant plusieurs minutes sur une personne qui sort de prison et qui ne demande qu'à retrouver sa famille et essayer de reconstruire sa vie...

 

Et si elle refait un gosse, on nous tiendra informé ?

 

Quitte à y passer plusieurs minutes, les "journalistes" auraient pu montrer que cela n'avait rien d'exceptionnel.

 

Les micros auraient pu être mieux utilisés :

 

En effet, il n'aurait peut-être pas était si inutile de rappeler que n'importe quelle personne condamnée à une peine privative de liberté bénéficie dès le départ et de manière automatique d'un crédit de réduction de peine :

 

 

article 721 alinéas 1 et 2 du code de procédure pénale :


Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois.


Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le crédit de réduction de peine est calculé à hauteur de deux mois la première année, d'un mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d'un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de cinq jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux cinq jours par mois ne peut toutefois excéder un mois. Il n'est cependant pas tenu compte des dispositions du présent alinéa pour déterminer la date à partir de laquelle une libération conditionnelle peut être accordée au condamné, cette date étant fixée par référence à un crédit de réduction de peine qui serait calculé conformément aux dispositions du premier alinéa.

 

Il n'aurait peut-être pas été si inutile de rappeler que d'autres réductions de peines peuvent encore être appliquées en cas notamment d'"efforts sérieux de réadaptation sociale".

 

Il n'aurait peut-être pas été si inutile de rappeler que la libération conditionnelle n'est qu'une des mesures possibles d'individualisation de la peine dont les principes directeurs sont fixés à l'article 707 du code de procédure pénale ; on y trouve "le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire."

 

Bref, éviter au maximum "les sorties sèches" sans aucun accompagnement, le détenu qui purge sa peine et qui se retrouve du jour au lendemain relâché dans la nature.

 

La libération conditionnelle est issue d'une loi de 1885 sur la prévention de la récidive (oui vous avez bien lu)

Pour faire simple, il s'agit d'une libération anticipée mais assortie de conditions pendant un certain délai.

En ce qui concerne les condition de fond, rien de très compliqué :

 

- "la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui restant à subir."

 

- "Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle s'ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale"

 

- autre petit détail : il faut le consentement du condamné

 

Faites le calcul et vous verrez qu'il n'y a rien d'exceptionnel à ce que la mesure est été accordée.

Rien d'étonnant non plus, contrairement au discours des journalistes, à ce que cette libération soit accompagnée de certaines de mesures...

 

La prison n'est pas là que pour punir...

Dès le commencement de l'exécution de la peine, c'est l'avenir qui devient important, c'est le retour dans la société qui devrait se préparer, c'est le projet de réinsertion sociale qui se construit... du moins en théorie...

 

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