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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 17:57

Chose promise, chose dûe...

Hier, lundi 15 février 2010, une petite délégation du CODEDO a fait un périple du ministère de la justice au palais de l'Elysée en passant par le ministère de l'intérieur afin de déposer, à chacune de ces étapes, un exemplaire de la pétition visant à la dépénalisation de l'outrage et de l'offense au chef d'Etat...

Outre le fait que j'ai apposé ma petite griffe sur ce document, je m'en vais vous dire pourquoi il faut en finir avec l'offense au chef d'Etat prévu par l'article 26 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ; petit délit quasi plus invoqué pendant longtemps et qui revient un peu trop à la mode.



Il existe une loi dite "liberté de la presse" du 29 juillet 1881 qui commence par affirmer haut et fort que le principe est celui de la liberté avant de venir balancer une liste de plus en plus grande d'exceptions qui, en fonction de critères parfois bien subjectifs, restreignent la liberté d'expression...

Dans ce texte, il existe un article 26 qui devrait un jour ou l'autre disparaitre.
Ce n'est pas forcément la pétition qui finira par avoir raison de cette infraction mais plutôt le bon sens des parlementaires ou des gouvernants, les décisions de justice au niveau national ou peut être ailleurs...


Tout bon cours de droit pénal finit à un moment ou à un autre par contenir un petit passage sur les grands principes parmi lesquels se trouve la légalité des délits et des peines.
En règle générale, il y a quelques développements sur l'origine et les justifications ; puis vient le couplet sur la triple valeur du prinipe :

D'abord, une valeur législative

Article 111-3 du code pénal

Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement.

 

Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention.

 


Ensuite, une valeur internationale notamment avec l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme
Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

Enfin, une valeur constitutionnelle (articles 5, 7 et 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen)

Quelques lignes plus loin, ce sont les conséquences du principe qui sont évoquées...
On trouve comme première contrainte pour le "normateur" l'exigence de rédiger des textes clairs et précis pour éviter l'arbitraire.
Ce qui est contrôlé aussi bien par le juge constitutionnel que par l'ensemble des juges statuant en droit interne.

Et le moins que l'on puisse dire c'est que le texte prévoyant l'offense au Président de la République respecte cette obligation.

  Art. 26
 L'offense au Président de la République par l'un des moyens énoncés dans l'article 23 est punie d'une amende de 45 000 €.

Autrement dit, l'offense est sanctionnée sans que l'on sache vraiment de quoi il s'agit.
Le délit est constitué dès lors qu'il y a :
- une offense envers le Président de la République
- une offense commise par l'un des moyens énumérés à l'article 23
- l'intention d'offenser le Président de la République

Mais la question reste : qu'est ce qu'une offense ?
La jurisprudence n'est pas d'un grand secours pour expliquer ce mystére ; celà peut être tout ou rien
le fait d'offenser n'est pas clairement défini par le texte (donc une offense au président, c'est ce qui, selon lui, est offensant (envers la fonction ??? l'homme ???)


De plus, un autre texte entre en conflit avec le délit d'offense au Président de la République : l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme

Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion,

de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.


L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

 

C'est en se fondant sur ce texte que les juges de Strasbourg ont condamné la France pour violation de la liberté d'expression dans l'affaire Colombani contre France dans un arrêt du 25 juin 2002.

 

Le Monde avait publié un article mettant en doute la volonté du Maroc de lutter contre le trafic de drogues et mettant en cause le Roi.

Jean Marie Colombani fut alors poursuivi, en tant que directeur de publication du journal, sur le fondement du feu article 36 de la loi (offense aux chefs d'Etats étrangers)

Passons sur les juridictions nationales pour en arriver à la décision de la Cour eurpoéenne des droits de l'Homme...

Les juges vont critiquer l'existence même de l'incrimination et surtout le régime dérogatoire par rapport au droit commun de la diffamation et de l'injure qui ne se justifie en rien surtout lorsque l'on précise que contrairement à la diffamation et à l'injure, l'offense ne connait aucun fait justificatif (comme l'exceptio veritatis de l'article 35 ou la bonne foi) permettant à l'auteur des faits de s'exonérer...

 

L'article 36 fut alors abrogé par la loi du 9 mars 2004.

 

Le même scénario pourrait bien se reproduire au sujet de l'offense envers le Président de la République.

En effet, là aussi, on se trouve face à un régime dérogatoire qui ne se justifie plus vraiment et qui ne reconnait aucun fait justificatif...

Là aussi, la Cour européenne pourrait bien conclure à une violation de la liberté d'expression surtout que les juges de Strasbourg ont tendance à protéger le débat d'intérêt général, le débat politique...

Et c'est sans doute pour tout cela qu'il faut en finir avec l'offense au Président de la République.

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