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8 septembre 2010 3 08 /09 /septembre /2010 15:51

Michèle Alliot-Marie n'était pas en grève hier ; elle était au contraire là pour présenter devant la presse pour parler de l'avant projet de loi sur la garde à vue.

 

Même avec beaucoup de volonté, il est difficile d'ignorer que le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions régissant la garde à vue de droit commun non conforme à la Constitution tout en laissant au gouvernement comme au parlement jusqu'au 1e juillet 2011 pour adopter un nouveau texte.


Très vite, madame la Garde des Sceaux a alors affirmé que cette décision ne faisait que confirmer ce qu'elle pensait et disait depuis longtemps sur le sujet et qu'un nouveau document serait prochainement transmis au Conseil d'Etat pour avis avant de passer vite fait par le conseil des ministres et d'atterrir sur le bureau de la présidence de l'une des deux assemblées.

 

Et c'est donc hier que la ministre a annoncé officiellement que l'avant projet était prêt et qu'il se trouvait entre les mains des membres de la plus haute juridiction administrative afin qu'ils se prononce sur le contenu de ce nouveau texte.

Michèle Alliot-Marie en a toutefois dessiné les grandes lignes dans une déclaration accessible sur le site du ministère.

 

En toute modestie, elle commence par préciser qu'elle avait indiqué le nombre trop important de gardes à vue, l'absence de satisfaction des conditions de déroulement de la mesure et qu'il y avait pas assez de droits pour la défense.

Elle omet toutefois de faire remarquer l'existence de décisions émanant de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que de juridictions internes sans compter sur les différentes cas relatés dans les médias.

 

Elle déclare que c'est d'ailleurs ce qu'à dit de manière plus solennelle le Conseil constitutionnel ; c'est une façon bien subjective de voir les choses.

 

La Garde des Sceaux affirme alors que ce sont désormais ces trois points qui vont guider la réforme.

 

 

Vient ensuite le moment de détailler certains aspects du texte.

 

- Le placement en garde à vue ne sera possible que pour des personnes soupçonnées de crime ou délit puni d'une peine d'emprisonnement.

Auparavant, il s'agissait de toute infraction ; le changement est donc notable mais cela englobe encore beaucoup de cas qui risquent, au regard de la tendance actuelle d'aggravation continue de la répression, de se multiplier.

 

- La prolongation de la mesure ne sera plus possible pour les délits punis de moins d'un an d'emprisonnement ; les exemples se font de plus en plus rares.

 

- Le texte prévoit aussi la possibilité d'entendre la personne sous le régime de l'audition libre à partir du moment où celle-ci accepte de demeurer dans les locaux de police pendant le temps strictement nécessaire à son audition.

A ce sujet, plusieurs choses sont à remarquer :

 

1) être placé en garde à vue, bien que souvent analysé uniquement comme une mesure coercitive, est aussi un statut qui permet théoriquement de bénéficier de certaines garanties qui ne sont applicables que dans cette hypothèse ; donc les droits offerts au gardé à vue ne le seraient pas à la personne interrogée dans le cadre d'une audition libre.

 

2) cette possibilité serait conditionnée à l'accord de la personne de demeurer dans les locaux le temps strictement nécessaire à son audition ; or, la chambre criminelle a déjà affirmé, en interprétant les textes, que "aucune disposition n'impose qu'une personne contre laquelle il existe des indices permettant de penser qu'elle a commis une infraction soit placée en garde à vue" et surtout "que aucune disposition légale n'impose à l'officier de police judiciaire de placer en garde à vue une personne entendue sur les faits qui lui sont imputés, dès lors qu'elle a accepté d'être immédiatement auditionnée et qu'aucune contrainte n'a été exercée durant le temps strictement nécessaire à son audition où elle est demeurée à la disposition des enquêteurs" ;

de plus, la durée de la garde à vue est en principe, dans la version encore en vigueur, limité par cette même stricte nécessité.

 

3) notons aussi un point sans doute plus anecdotique : le verbe "demeurer" est employé par la ministre ; si c'est vraiment celui qui figure dans le texte, il pourrait être source de débats d'interprétation sur le sens à lui donner.

 

- Michèle Alliot-Marie précise également que l'avant projet contient l'interdiction des fouilles à corps intégrales et le retour du droit de se taire.

Concernant la première de ces annonces, on ne peut que s'en réjouir même s'il est permis de se demander si cela ne revient pas à reconnaître que la pratique n'était pas si rare que cela.

Quant à la seconde, il ne s'agit que de rétablir ce qui avait été abrogé par la loi du 18 mars 2003 mais qui aurait dû continuer à vivre dans la pratique ne serait-ce qu'en raison du droit de ne pas participer à sa propre incrimination reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme.

 

- La mesure la plus attendue est enfin évoquée : le droit à la présence de l'avocat durant toute la garde à vue ; actuellement, seul existe un entretien d'une trentaine de minutes qui sert plus à s'assurer que tout se passe plus ou moins bien.

Une raison de se réjouir en apparence sauf que s'il s'agit bien d'un principe, des exceptions sont déjà prévues.

La Garde des Sceaux le justifient en affirmant que le Conseil constitutionnel l'accepte dans des circonstances particulières, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes.

Les sages ne pensaient-ils pas plutôt aux régimes dérogatoires ?

 

Toujours est-il que le texte prévoit, pour les raisons évoquées, la possibilité pour le procureur de la République à la demande de l'officier de police judiciaire, de différer cette présence pendant une durée maximale de douze heures ;  mais pourquoi ? en quoi la présence de l'avocat dérange-t-elle ? à moins que cela ne soit une manifestation d'une sorte de théorie qui veut que l'avocat soit quasiment considéré comme un complice ; l'exemple choisi (un enfant enlevé par un pédophile et pas encore retrouvé) tend à aller dans ce sens : si l'avocat est là, on risque de ne pas retrouver la victime.

Et puis n'oublions tout de même pas trop vite qu'une personne gardée à vue reste présumée innocente.

 

La ministre, voulant sans doute rassurer, conclut sur le sujet en criant haut et fort que le principe est celui de la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue mais la décision est entre les mains des procureurs et ce ne serait pas la première fois que l'on verrait une exception théorique devenir petit à petit un quasi principe dans la pratique.

 

En revanche, rien n'est dit sur le contenu de la "présence" de l'avocat ; se contentera-t-il d'être là ou peut-être un peu plus quand même ?

 

 

Cette déclaration aura aussi été l'occasion d'apprendre que la première partie de la réforme de la procédure pénale est également actuellement au Conseil d'Etat pour avis et que les règles relatives à l'aide juridictionnelle sont toujours susceptible d'être modifiées.

 

 

P.S : je vous laisse découvrir le communiqué de Synergie qui se passe de commentaires.


 

à lire aussi sur ce blog :

 

je ne voudrais pas être Michèle Alliot-Marie en ce moment...

le régime de la garde à vue est partiellement contraire à la Constitution

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