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15 septembre 2010 3 15 /09 /septembre /2010 07:02

Loin, très loin de toute polémique ou de toute envie de rejoindre un étendard pour défendre une cause ou une autre, interrogeons-nous simplement, puisque l'actualité nous y invite un peu, sur la protection des sources des journalistes.

 

Il existe des personnes qui ont pour mission d'informer le public ; la Cour européenne des droits de l'Homme aime d'ailleurs rappeler qu'elles jouent un rôle essentiel dans une société démocratique, qu'elles doivent, dans le respect des devoirs et responsabilités, communiquer des informations et des idées sur toutes les questions d'intérêt général ; s'il en allait autrement, la presse ne pourrait jouer le rôle de "chien de garde de la démocratie" que lui est donné par les juges de Strasbourg.

 

Quelques fois, pour faire simplement leur travail, les journalistes, ont besoin d'une aide extérieure ; ils ne peuvent pas tout savoir simplement en claquant des doigts devant une feuille de papier qui reste despérement blanche ou un écran d'ordinateur.
C'est là qu'apparaissent les taupes, les indics, les informateurs, ... selon ce qu'il vous plaira...

Ceux-ci, plus encore que les auteurs des articles sans doute, doivent être protégés ; pas de manière générale et absolue mais simplement parce que, souvent, la presse ne peut informer sans avoir une source et que celle-ci ne transmet son précieux sésame que si elle peut ensuite bénéficier d'un minimum de garanties.

 

La liberté de chaque journaliste de ne pas révéler ses sources, en vertu de l'application de l'article 109 du code de procédure pénale, n'existait, il y a encore peu de temps, uniquement lorsqu'il était entendu comme témoin ; une difficulté qui pourrait être aisément contournée notamment par le passage de ce dernier sous le statut de mis en examen.

Bref, on en arrivait à une quasi absence de protection effective pour les informateurs ; la multiplication des affaires où les journalistes ont été inquiétés afin de lever le voile sur l'identité des sources semblent le démontrer.

 

Et pourtant, dès le 8 mars 2000, le Conseil de l'Europe recommandait aux Etats membres de mettre en oeuvre la protection des sources journalistiques dans leur droit interne.

 

En France, après quelques condamnations supplémentaires, les parlementaires ont fait le boulot en adoptant la très contestée loi du 4 janvier 2010 sur la protection des sources journalistes.

Rachida Dati, ministre de la justice de l'époque n'a jamais caché que cette consécration législative visait avant tout à se conformer aux souhaits de la justice européenne sur ce sujet ; l'intitulé du texte et l'affirmation du principe dès le premier article de celui-ci en constituent une flagrante manifestation.

 

Les juges de Strasbourg considèrent, depuis l'arrêt Goodwin contre Royaume-Uni du 27 mars 1996, que "la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse. L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle de "chien de garde" et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver amoindrie."

Des exceptions peuvent toutefois se concilier avec l'articlre 10 de la convention si elles se justifient par "un impératif pépondérant d'intérêt public" ; la Cour n'a cependant jamais pris la peine de donner une définition claire et précise d'une telle notion, sans doute pour laisser une certaine marge de manoeuvre aux Etats.

 

 

De la version d'origine du projet de loi au texte modifié faites suite au travail parlementaire, il y eu quelques changements qui ont notamment à la réécriture de l'article 2 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

 

 

"Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.

 

Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public.

 

Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

 

Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources.

 

Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité."

 

Ma première réaction en lisant cela est de l'ordre de la surprise.

En effet, un beau principe de prohibition mais aucune sanction prévue en cas de violation ;

faut il en conclure qu'il n'était alors question que d'une affirmation sans véritable conséquence ?

La rédaction initiale du projet de loi nous donne quelques informations supplémentaires ; il y est notamment expliqué que le texte "complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin d’y inscrire de façon solennelle le principe du secret des sources" et que "le principe de la protection du secret des sources introduit dans la loi sur la presse trouve son prolongement dans les dispositions spécifiques du code de procédure pénale en matière de perquisition et d’audition des journalistes. Mais, de par sa portée générale, ce principe aura également des incidences directes sur le déroulement des procédures menées devant les juridictions répressives."

 

Le nouveau texte ne serait que pour déclarer de manière générale haut et fort le principe de respect des sources, il faudrait utiliser les dispositions spécifiques, également revues et corrigées par la loi du 4 janvier 2010, pour avoir plus de détails ; un peu comme c'est le cas avec l'article préliminaire pour l'ensemble de la procédure pénale.

Dans ces articles, on note des garanties accrues mais qui ne seules une sanction procédurale (la nullité) est prévue ; est ce vraiment la meilleure manière d'assurer une garantie effective ?

 

En revanche, selon l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, il est possible de porter atteinte de manière directe ou indirecte au secret des sources en présence d'un "impératif prépondérant d'intérêt public" (à l'origine, le texte visait "un intérêt impérieux") ; reprise fidéle de la jurisprudence de Strasbourg.

Mais si on pouvait comprendre que la Cour européenne des droits de l'homme ne donne pas plus de précision sur cette notion, on aurait tout de même plus attendre plus de détails grâce au travail du gouvernement et du parlement au moment de le traduire de la législation nationale.

Et voici comment l'affirmation d'un principe fort se trouve affaiblie par l'existence d'une exception aux contours plus que flous.

 

Et c'est sans compter sur la suite du texte qui fait que, "au cours d’une procédure pénale", la nécessité de l'atteinte sera appréciée au regard "de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité." ; c'est toujours aussi vague et imprécis et, en fait, cela semble permettre une grande marge de manoeuvre afin d'écarter le secret des sources.

 

Ajoutons à cela que la loi définit strictement "le journaliste" susceptible d'être concerné par la loi.

 

Bref, s'il existe, difficile de voir apparaître un cadre sécurisant derrière tout cela ; reste à savoir ce qu'en fera le juge...

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