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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 14:31

Il y a des jours où on se dit que l'on est tellement mieux informé par ceux dont c'est le métier...


L'une des grandes infos du jour (ou de la veille) : Arthur poursuit en justice Didier Porte.

Motif ? Injure et diffamation, à la suite d’un article de Porte paru en janvier dans Siné Hebdo et intitulé «Arthur et les maxicons». Le dessinateur Siné est également assigné pour complicité au titre de directeur de la publication de Siné Hebdo.

 

Bien sûr, j'aurais plus prendre ma plume pour défendre la liberté d'expression ou pour montrer qu'il est "amusant" de constater que désormais les "amuseurs" s'attaquent entre eux ou tout plein d'autre chose encore...mais il y a quelque chose qui me fait réagir encore plus à la lecture de cette nouvelle...


 

Faisons un petit peu de droit pénal de la presse même si c'est complexe aussi bien sur le fond qu'au sujet de la procédure...

 

Si, en matière d'expression, le principe reste la liberté, de nombreuses dispositions viennent soumettre son exercice à des formalités, des conditions, des restrictions ou des sanctions.

La plupart se trouve dans la fameuse loi sur la liberté de la prese du 29 juillet 1881.

 

Chacun est libre de s'exprimer mais doit également répondre des "abus" qu'il commet lorsqu'il dépasse les frontières de l'espace de liberté gentiment fixées pour lui par quelques personnes représentants le peuple.

 

Didier Porte s'est exprimé...
Arthur l'a lu ; il a trouvé que ces propos dépassaient les limites fixées par la loi et, selon ceux qui nous informent, que cela constituait une injure et une diffamation à son encontre.

 

Je ne suis pas juge ; je ne prononcerais donc pas sur l'issue du procès mais raisonnons un peu :

 

Les deux infractions qui servent de fondement aux poursuites sont définies à l'article 29 de la loi sur la liberté de la presse :

 

diffamation : toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne

 

injure : toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait.

 

Pour qu'un infraction existe, encore faut il que tous les éléments constitutifs soient réunis :

 

- pour la diffamation,

 

une allégation ou imputation (parler en son nom) d'un fait

le fait doit être une articulation précise de nature à être l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire.

En revanche, peu importe que le fait soit vrai ou pas...

 

de nature à porter atteinte à l'honneur ou la considération

une chose est certaine : la diffamation est une infraction formelle ; autrement dit, nul besoin d'un résultat pour que l'infraction existe, l'atteinte à l'honneur ou à la considération n'a pas à être effective.

 

une "victime" ou au moins un groupe identifiable

 

 

- pour l'injure,

 

une expression outrageante, terme de mépris ou invective

 

l'absence d'imputation d'un fait

 

viser un corps ou une personne déterminée

 

Donc, en toute logique, un propos diffamatoire ne peut pas être injurieux et vice versa...(soit il y a imputation ou allégation d'un fait et c'est peut-être de la diffamation, soit il n'y a aucun fait précis et on peut penser à une injure)

 

Pourtant, si on lit les papiers de ceux qui ont la lourde tâche de nous informer un peu, il semble que les mêmes propos soient à la fois une injure et une diffamation...

 

Pas si grave. Après tout, mieux vaut tout mettre : le juge fera le tri et choisira la bonne qualification.

Oui mais non...

en principe, les faits peuvent être requalifiés mais, en droit pénal de la presse, on ne fait rien comme tout le monde et on aime être formaliste et pointilleux...

 

Ainsi, les actes de poursuite doivent dans ce domaine respecter un certain nombre de formalités ; notamment une triple exigence de forme :

 

1 - l'articulation des faits

2 - la qualification des faits

3 - le visa des textes applicables

 

Arrêtons nous un instant sur le deuxième point :

la qualification doit être :

 

- précise

- unique ; autrement dit, il ne peut y avoir de qualifications alternatives, cumulatives ou subsidiaires... donc des propos ne peuvent pas être à la fois diffamatoires et injurieux et le juge ne pourra pas requalifier.

- exacte.

 

Sanction en cas de non respect des formalités ? la nullité de l'acte de poursuite...

 

 

Mais ce n'est pas tout...

Pour bien nous informer, on nous précise que le dessinateur Siné est également assigné en tant que complice au titre de directeur de la publication de Siné hebdo.

 

Et pourtant là encore, en droit de la presse, on ne fait rien comme tout le monde.

 

En effet, les régles de responsabilité ne sont pas identiques à celles du droit commun.

L'article 42 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 instaure un système de responsabilité en cascade pour les infractions commises par voie de presse.

 

L'infraction commise par voie de presse est matériellement imputée en premier lieu au directeur de publication.

Sa faute est présumée du seul fait qu'il est directeur de publication, il ne peut s'exonérer en démontrant son absence de faute.

Et dans ce cas, l'auteur des propos est automatiquement complice.

 

A défaut, sera poursuivi pénalement l'auteur des propos ; et à défaut, les imprimeurs ; et à défaut, les vendeurs, distributeurs et afficheurs...(la cascade)

 

 

Si on m'avait dit que je m'exprimerais tant sur un tel sujet...

 

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