Ce soir, après la diffusion d'un nouveau numéro de "Faites entrer l'accusé", Christophe Hondelatte animera un débat dont le contenu semble se résumer en une question : la Prison peut-elle changer un homme ?
Se poser la question, c'est déjà ne pas en être totalement sûr...
Pourtant, le jeune étudiant en droit apprend très vite en suivant les premières heures du cours de droit pénal général que l'incarcération n'est qu'une peine parmi tant d'autres visant notamment à sanctionner le comportement d'une personne lorsque celui-ci se trouve être constitutif d'une infraction parce qu'il porte atteinte à l'intérêt général.
Il découvre ensuite que la peine (et donc l'incarcération) a plusieurs fonctions ; certaines semblent logiques et sont connues de tous, d'autres un peu moins...
La première idée qui vient à l'esprit lorsque l'on parle de peine et notamment lorsqu'il s'agit d'envoyer quelqu'un derrière les barreaux, c'est bien sûr la répression.
En effet, l'infraction -le comportement de la personne- a causé un mal à la société ; pour le réparer, l'auteur des faits doit "payer sa dette"... Le ministère public, au nom et pour le compte de
la société, doit lui infliger la peine qui convient à la situation en respectant les grands principes du droit pénal.
Mais, ce n'est pas tout...
La peine a aussi une fonction dissuasive ou intimidatrice.
Là, il s'agit de se tourner vers l'avenir : éviter que les faits soient de nouveau réalisé.
La prévention concerne dans ce cas aussi bien l'individu condamné que l'ensemble de la société.
Et le jeune étudiant en droit constate aussi que la peine a encore une autre raison d'être sans doute un peu moins concevable de nos jours : la réadaptation ou réinsertion du détenu...
L'institution judiciaire ne se contente pas de punir en voulant dissuader les membres de la société de commettre des actes répréhensibles.
En théorie, dès le prononcé de la peine, c'est un nouvel objectif qui s'annonce : préparer la sortie de prison, prévoir le retour le retour de l'auteur des faits dans la société (dont il est,
même si certains en doute parfois, un des membres)
En effet, contrairement à ce que quelques personnes voudraient croire, une personne condamnée à une peine privative de liberté ne doit pas devenir un paria qui ne mérite plus d'appartenir à la société...
Elle porte atteinte à l'intérêt général, elle est condamnée pour cela, elle "paye sa dette à la société" et c'est tout : pas d'autre condamnation... du moins en théorie
Que chacun se rassure : la prise en compte de la victime est bien présente notamment depuis la loi dite "Perben II" qui a, entre autre, permis de consulter la victime sur le sort du condamné même pendant l'exécution de la peine.
L'étudiant n'oublie en général pas de retenir que tout cela est précisé dans les articles 132-24 du code pénal et 707 du code de procédure pénale ainsi que dans une décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1994.
C'est donc un fait : la peine a notamment pour fonction de préparer la réinsertion du condamné.
D'ailleurs, l'article 1e de la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire fixe clairement les missions de l'administration pénitentiaire : la participation à l'exécution des sanctions, la sécurité et la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire.
Si on se limite au volet qui nous intéresse, tout est prévu...du moins dans les textes ; les choses sont tellement bien faites que la plupart des dispositions sur le sujet sont regroupées dans un chapitre du code de procédure pénale sobrement intitulé "des actions de préparation à la réinsertion des détenus"...
Rien que l'indication des différentes sections donne envie de rêver :
- de l'assistance spirituelle
- de l'action socio-culturelle
- de l'enseignement et de la formation professionnelle
- des activités physiques et sportives
- de l'intervention socio-éducative
- ...
Bref, en théorie, tout est là pour recréer une société miniature, pour commencer le travail de réinsertion, pour multiplier l'effet resocialisant de la détention, pour aider l'individu incarcéré à se reconstruire...
Mais tout cela reste surtout théorique et la réalité est bien moins joyeuse...
Quant est il effectivement de toutes ces actions en milieu carcéral ?
Et ne parlons même pas des conditions de vie en détention, des suicides de détenu, de l'effet que cela peut avoir sur l'individu de vivre enfermé, de la qualité des soins, des détenus qui sont plus malades que coupables...
Et ne développons même pas sur le manque de moyens
Et puis, ceux qui disent que la prison est surtout l'école de la délinquance n'ont peut-être pas toujours tout à fait tort...
Et ne parlons même pas de l'image que peuvent avoir certains d'entre nous sur la population carcérale et sur la prison d'une manière générale.
[...]
Pour en revenir au débat de ce soir, en allant sur la page consacrée à l'émission, on apprend que :
"La prison, Valérie Subra, Jean-Rémi Sarraud et Laurent Hattab l’ont fréquentée une vingtaine d’années.
Aujourd’hui, ils ont refait leur vie. Dans Faites entrer l’accusé, Jean-Rémi Sarraud raconte qu’il a payé sa dette, mais qu’il n’est plus le même homme. Il s’est marié en prison, avec une jeune fille qui venait le visiter. Il a eu un enfant mais les murs de sa cellule viennent encore le hanter. Grâce aux formations qu’il a suivies en prison, il travaille maintenant dans l‘informatique. Il lui a aussi fallu se reconstruire psychiquement après les deux meurtres auxquels il a participé. Un ami, aumônier l’y a aidé, en prison.
Comme lui, d’autres anciens détenus, tous criminels, viendront témoigner, sur le plateau de cette soirée spéciale, du travail de reconstruction, mais aussi de rédemption qu’ils ont du faire pour accepter leur peine et mettre à profit ce temps de réflexion… Quand d’autres viendront dénoncer le manque d’aide, dont ils ont souffert pour accomplir ce chemin et la force destructrice de l’enfermement. Ils pourront en débattre avec des représentants de l’administration pénitentiaire, des psychiatres spécialisés, ainsi que des avocats, et des aumôniers. Ensemble, ils tenteront de nous éclairer sur le travail qui est accompli ou non par l’administration pénitentiaire et la justice afin que les criminels puissent se réinsérer à leur sortie de prison."
Bref, pour certains, les bonnes personnes étaient là au bord du chemin..., la prison est parfois l'occasion de démarrer une nouvelle vie voire même de découvrir ce qu'est vraiment la vie y compris les règles qui l'encadrent.
Pour d'autres, cela semble plus compliqué
Mais pour tous, les choses ne sont pas simples
Même une fois sorti de prison, les murs ne sont jamais loin et le passé ne s'oublie pas comme ça.
La prison peut-elle changer un homme ?
Oui mais ce n'est pas si simple et le travail risque de devenir encore plus complexe au regard de la tendance scyzophénique qui d'un côté tend à toujours plus de facilité à l'incarcération et de l'autre dénonce le phénomène de surpopulation carcérale...
Ce genre d'émission aura peut-être au moins le mérite de rétablir certaines vérités, de casser un peu les fantasmes qui entourent la récidive, de redire encore et toujours deux ou trois choses sur la réalité du monde carcéral notamment sur le fond du sujet où presque tout reste à faire pour améliorer la situation.
Mais son premier mérite sera peut-être d'intéresser un peu plus les téléspectateurs au monde de la prison, à la vie des détenus, au travail des membres de l'administration pénitentiaire...
Ne fermons pas les yeux trop facilement sur ce sujet... bien au contraire...