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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 13:11

Une réponse à une petite question d'une députée à Michèle Alliot Marie et voilà l'occasion de parler un peu de l'article 132-80 du code pénal.

 


 

Avec une loi du 4 avril 2006 , les parlementaires ont voulu renforcer la prévention et la répression des violences au sein du couple notamment en instaurant un nouvel article 132-80 dans le code pénal donnant naissance à une circonstance aggravante en raison de la qualité d' "ex" de l'auteur des actes au regard de la victime de ceux-ci.
L'objectif poursuivi est clair mais tout se complique au moment de lui donner une traduction législative.

 

Regardons plutôt ce que cela donne :

 

 

"Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

 

La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Les dispositions du présent alinéa sont applicables dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime."

 

et là, dès les premières interprétations du texte, il est permis d'imaginer que le but recherché ne sera pas forcément effectivement atteint ; ce que viendront confirmer certaines juridictions amenées à statuer sur cette disposition en raison du principe d'interprétation stricte de la loi pénale posé entre autre à l'article 111-4 du code.

 

Un arrêt rendu le 16 décembre 2009 par la chambre criminelle de la Cour de cassation est particulièrement intéressant à ce sujet.

 

Dans cette espèce, le prévenu était poursuivi pour avoir exercé des violences volontaires sur son ancienne concubine qui a subi un jour d'incapacité totale de travail (ITT) , des faits qui relevaient donc théoriquement de l'article R. 625-1 du code pénal.

Cependant, il a été fait application de la circonstance aggravante de l'article 132-80 afin de renforcer la sanction pour donner une qualification correctionnelle ; une analyse rejetée par la cour d'appel de Poitiers qui requalifia simplement les faits en violences volontaires ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours et condamne les faits au paiement d'une amende de 200 euros en précisant "qu'appliquer l'extension, plus sévère, de cette circonstance prévue à l'alinéa 2 de l'article 132-80 à une contravention reviendrait à rajouter à la loi"

 

 Vous aurez en effet sans doute remarqué que l'aggravation prévue pour des actes commis par un ancien conjoint en raison des relations ayant existé entre l'auteur et sa victime  ne vise spécifiquement que "les peines encourues pour crime ou délit."
Donc, en respectant scrupuleusement le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, l'article 132-80 du code pénal n'est pas applicable aux contraventions.

Or, les violences volontaires ayant entraîné une ITT de moins de huit jours sont punis, selon l'article R.625-1 du code pénal, de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.

Dès lors, la solution retenue par les juges d'appel semblait s'imposer d'elle-même.

 

 

Toutefois, le procureur général décida de former un pourvoi en cassation en soutenant que l'aggravation doit jouer dès lors que les faits ont été commis en raison des relations ayant existé entre l'auteur de ces derniers et la victime préférant utiliser le terme "infraction" à la place de la référence aux seuls crimes et délits.

 

Les juges de la chambre criminelle rejetèrent totalement ce raisonnement en concluant que la cour d'appel avait fait une exacte application du texte "en énonçant que la circonstance aggravante fondée sur les relations ayant existé entre l'auteur et la victime, telle qu'elle a été instituée par l'article 132-80, alinéa 2, du code pénal, n'est applicable, selon le premier alinéa de cet article, qu'aux peines encourues pour un crime ou un délit."

 

Il est également à noter que la Cour de cassation s'est prononcée dans les mêmes termes dans une décision rendue le même jour sur des faits similaires et a, par la suite, fort logiquement maintenu sa position comme le montre notamment un arrêt du 8 septembre 2010.

 

 

Pourtant, on imagine aisément que les parlementaires n'avaient pas pour objectif d'exclure les violences contraventionnelles du champ d'application de la disposition aggravant la répression.


La question posée par une députée en février 2010 visant à attirer l'attention du Garde des Sceaux sur ce sujet le confirme d'ailleurs puisque son auteur souligne qu' "il n'était nullement dans l'intention du législateur de distinguer les types de violences lorsqu'il a voté cette disposition visant à assortir une circonstance aggravante aux violences exécutées sur un conjoint ou ex-conjoint et statuts associés."

Elle en profite également pour lui demander si le Parlement aurait bientôt l'occasion de préciser la disposition litigieuse "dont la rédaction laisse effectivement subsister un flou interprétatif des plus regrettables."

 

 

La réponse de Michèle Alliot-Marie se sera faite attendre jusqu'au 26 octobre 2010.

Et, entre temps, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants a été adoptée et elle a notamment eu pour effet de modifier l'article 132-80 du code pénal afin qu'il soit également applicable aux contraventions.

 

 

Notons cependant que, même si la question ne posait pas de problème dans l'arrêt de la chambre criminelle du 16 décembre 2009, le fait de devoir établir un lien entre la commission de l'infraction et les relations ayant antérieurement existé entre l'auteur des faits et sa victime est nécessaire au regard de l'objectif poursuivi par le texte mais constitue également un obstacle supplémentaire sur la longue route qui mène à l'aggravation de la répression.


 

à lire aussi sur ce blog :

 

mais au fait qu'est ce qu'il y a vraiment dans la proposition de loi sur les "violences faites aux femmes" ?

dans le doute, il ne pourra plus y avoir de dénonciation calomnieuse...

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